Les réseaux d’avocats

« L’internationalisation des rapports juridiques économiques, sociaux et culturels qui s’intensifient chaque jour davantage entraîne nécessairement l’extension du champs d’action des avocats et des causes de leur intervention », ainsi s’exprimait en 1994 Maître Pierre LAMBERT dans la 3e édition de son traité des « règles et usages de la profession d’avocat du Barreau de Bruxelles ».

Cette situation écrivait-il devait amener la mise au point des règles présidant à ces relations nouvelles. Les règles sont rendues impérieusement nécessaires par l’entrée en vigueur, le 24 mars 1979, de la directive du conseil des communautés européennes du 22 mars 1977 tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de service par les avocats (op. cit. p. 630).

En sa séance du 4 novembre 1969, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Bruxelles a autorisé les membres du Barreau à faire mention sur le papier à lettres, des liens de correspondance qui peuvent exister entre eux et certains cabinets situés à l’étranger (op. cit. p. 635).

Ces liens de correspondance dite organique doivent faire l’objet d’un contrat écrit soumis à l’approbation du conseil de l’Ordre. Les conditions en avaient été fixées par une résolution du 25 avril 1989 qui a étendu la faculté de conclure des contrats de correspondance organique tant au niveau national qu’international.

Les conditions de participation à un contrat de correspondance organique ont été reprises dans le nouveau règlement d’ordre intérieur du Barreau de Bruxelles entré en vigueur le 1.9.1995 et étendues à la constitution d’un réseau et à la participation à celui-ci. J’ai cité ces textes parce que c’est donc assez récemment que le conseil de l’Ordre du Barreau de Bruxelles a fait allusion dans son nouveau règlement à la participation à un réseau d’avocat.

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Dans sa contribution à l’éditorial du « Journal des Tribunaux » du 1er janvier 2000, Monsieur le Bâtonnier BRAUN traitant de l’évolution future du Barreau, exprimait l’avis qu’au sein du « marché dans lequel viendront prospérer de nouveaux domaines du droit », se trouveront « les réseaux promis, à notre sens, à un grand avenir »

Les réseaux de cabinets d’avocats

Les réseaux de cabinets d’avocats répondent tant à un besoin des avocats eux-mêmes, que de la clientèle, confrontés qu’ils sont les uns et les autres aux difficultés de litiges transfrontaliers de plus en plus nombreux et qui se multiplieront encore par la pratique de la libre circulation des personnes et des marchandises au sein de l’union européenne.

Ceci est vrai pour l’Union européenne qui n’est qu’au début de son expansion, mais aussi pour la planète entière en raison de la mondialisation des relations commerciales dont nous ne connaissons actuellement que les premiers effets.

L’exercice de la profession d’avocat exigeait dans un tel contexte que les relations entre cabinets d’avocats soient organisées de manière plus systématique.

C’est pour répondre à cette situation nouvelle que sont apparus, depuis une dizaine d’années, divers réseaux dont l’étendue est évidemment très diversifiée.

Les buts poursuivis par les réseaux peuvent être nombreux et divers.

L’un d’eux est évidemment de pouvoir disposer à tout moment, et particulièrement en cas d’urgence, d’un correspondant le plus proche possible d’un lieu où se passe « l’événement » juridique ou judiciaire.

Les accidents de roulage ou les contrats de transport en donnent des exemples très fréquents. Le recours à un correspondant « sur place » présente de toute évidence de nombreux avantages tels que la connaissance de la législation et des usages, des lieux où se déroule le litige. De surcroît, et ce n’est évidemment pas négligeable, une telle intervention évite d’onéreux frais de déplacement.

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L’appartenance à un réseau est de surcroît une garantie de fiabilité. Si le réseau est constitué sur base de références sérieuses c’est de toute évidence une garantie que le dossier sera traité avec toute la diligence qui s’impose.

A défaut, les lacunes seraient rapidement repérées au sein du réseau.

De surcroît si les statuts du réseau prévoient des obligations précises de traitement du dossier, tel que la fixation du délai pour répondre au courrier, pour donner les consultations ou traiter les dossiers, la satisfaction s’en trouvera accrue.

Ce recours à un correspondant membre du réseau, en raison de la localisation du litige, n’est pas l’unique utilité du réseau.

La qualité de l’intervention est évidemment essentielle.

Face à la complexité de la législation, de la doctrine, de la jurisprudence, des usages nombreux et diversifiés que l’on rencontre dans le traitement d’un dossier transnational, il devient de plus en plus fréquent que l’on recoure à la compétence d’un correspondant en raison de sa spécialisation, indépendamment de toute localisation d’un dossier. On en sera rapidement conscient si on doit faire application par exemple du droit anglo-saxon sur le continent ou réciproquement.

Par l’appartenance à un réseau l’on découvrira plus aisément la compétence, la spécialisation voire tout simplement l’expérience acquise dans une matière déterminée.

Tout n’est cependant pas dit lorsqu’un réseau a été constitué.

Il ne peut être seulement un annuaire de référence. Si diverses qualités sont évidemment exigées lors de la constitution du réseau, il est plus important encore que ces qualités demeurent.

S’adresser à un correspondant ou plus encore le recommander à un client est une responsabilité non négligeable à l’égard du client, mais aussi de son cabinet et du réseau dans son ensemble. Il est d’usage de dire que la qualité du réseau vaut ce que vaut son maillon le plus faible.

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Tous les efforts prodigués pour assurer la réputation d’un réseau peuvent être ruinés par la défection d’un cabinet qui ne répond lus à ses obligations.

Certains réseaux exigent dés lors la preuve du maintien de cette qualification par une formation permanente, recyclage etc…

Ce n’est qu’une anticipation, mais révélatrice, de leur connaissance des exigences de la profession, puisque certains barreaux s’orientent vers une formation permanente obligatoire, ou l’ont déjà décidée.

D’ailleurs l’aide juridique instaurée en Belgique exige que les avocats qui y sont inscrits fassent preuve de leur qualification et en assurent le maintien par un recyclage.

Formation permanente

Le diplôme est la clef d’accès à la profession. La formation permanente en maintient l’exercice fiable.

Certaines universités l’ont compris lorsqu’elles prodiguent à leurs étudiants la formation qui leur permet « d’apprendre à apprendre », formule chère à l’ancien ministre français de l’éducation nationale Edgar Faure, mais n’exigent plus cette connaissance parfois de mémoire, de dispositions légales considérables vouées à des modifications fréquentes La ratio legis était au moins aussi importante que les textes eux-mêmes.

Compte tenu des modifications législatives fréquentes, la manière de rechercher le texte en vigueur devient en soi une science.

A part quelques textes fondamentaux qui oserait encore se fier à sa seule mémoire ? Si c’est vrai pour le droit qu’on pratique constamment, ce n’est évidemment à fortiori pour les différents droits applicables à un litige transnational. Le recours à un réseau fiable devient un moyen pratiquement irremplaçable à l’actualisation de ses connaissances juridiques.

En plus de cet avantage indéniable, si on se place sur le plan des activités professionnelles, l’appartenance à un réseau peut amener un échange de dossiers, mais la déception serait grande si on s’attachait uniquement à cet aspect des choses.