La perception de l’avocat par l’entreprise

La perception de l’avocat par l’entreprise est très largement dépendante de l’attente de l’entreprise à l’égard de l’avocat.

L’attente générale de l’entreprise coule de source : c’est que l’avocat l’aide dans le maquis des législations et réglementations de plus en plus nombreuses, de plus en plus complexes et de plus en plus difficilement « lisibles » pour le profane.

L’entreprise recherche avant tout la sécurité juridique, elle veut savoir ce qu’elle peut faire et ce qu’elle ne peut pas faire, elle veut savoir quels sont, dans telle situation donnée, ses droits et ses devoirs. L’entreprise qui entend mettre au point et développer une stratégie à moyen et long terme comportant des investissements parfois importants veut connaître le cadre juridique à l’intérieur duquel son action devra se situer. Sauf à disposer d’un juriste dans son entreprise, le chef d’entreprise aura tendance à s’adresser pour ce faire à un avocat parce qu’il voit en lui un professionnel du droit.

Le professionnalisme en la matière englobe des exigences de plusieurs types :

  • une connaissance parfaite du droit et de ses évolutions les plus récentes au plan non seulement national mais aussi international et surtout européen dans les matières que l’avocat dit connaître ;
  • une suffisante modestie pour connaître ses limites et renvoyer son interlocuteur chez un spécialiste ou pour sous-traiter la question à un spécialiste ;
    dans ce même esprit, une connaissance suffisante des multiples facettes juridiques que peut présenter un problème (droit des sociétés, droit comptable, droit fiscal, droit social…) – non pas pour les traiter tous lui-même mais pour y sensibiliser l’entreprise ;
  • beaucoup de bon sens et de discernement pour saisir dans chaque situation les potentialités qu’elle présente pour l’entreprise, les risques qu’elle lui fait courir, voire les incertitudes dont il faut tenir compte. Cette capacité d’évaluation est importante pour le chef d’entreprise car s’il doit lui-même décider de la conduite à tenir, c’est cependant en fonction de l’information qui lui est donnée ;
  • une efficacité au niveau du traitement des dossiers, ce qui implique notamment une structure appropriée, tant humaine que matérielle, des relations avec des cabinets étrangers, des hommes et des femmes multilingues.
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L’ATTENTE DE L’ENTREPRISE

L’attente de l’entreprise à l’égard de l’avocat dépasse souvent cette approche purement « réactive », qui est celle de l’auxiliaire de la justice. Le droit doit être intégré dans la stratégie de l’entreprise au niveau de ses virtualités positives ; il peut constituer un atout notamment en ce que cette dimension est préventive de litiges ultérieurs.

L’avocat peut jouer à cet égard un rôle déterminant : il est celui qui veille dans la rédaction des contrats à un libellé précis des engagements de chaque partie, à l’insertion de mécanismes d’adaptation des conventions en fonction de situations nouvelles et à l’introduction de techniques de prévention et de règlement efficace des litiges relatifs à leur interprétation et à leur exécution. Il est également celui qui aide positivement l’entreprise dans l’exploitation des possibilités ouvertes par le législateur par exemple en ce qui concerne la participation financière des travailleurs aux résultats de l’entreprise. Il est enfin celui qui, en fonction d’objectifs par exemple de collaboration ou d’intégration avec d’autres entreprises met au point les constructions juridiques, fiscales et sociales qui permettent de les réaliser.

Cette fonction de conseil de l’avocat suppose un dialogue permanent et confiant avec le chef d’entreprise et le cas échéant, le juriste d’entreprise, au départ d’une bonne connaissance des buts et de la stratégie de l’entreprise. Elle implique nécessairement que l’avocat ne soit pas cette personne – compétente certes mais éloignée – qu’on vient consulter uniquement en cas de difficultés. Au contraire, dans cette optique, l’avocat se rend dans l’entreprise, connaît son activité et a des relations suivies avec son management.

L’attente à l’égard de l’avocat doit être « modalisée » en fonction de la taille de l’entreprise et de la présence ou non – qui y est souvent liée – d’un juriste d’entreprise.

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Lorsqu’il s’agit d’une grande entreprise, la première lecture du droit est généralement faite par le conseiller juridique interne.

Connaissant parfaitement la stratégie développée par l’entreprise, il est le mieux à même de saisir dans la multitude des normes, celles qui se trouvent plus particulièrement à s’appliquer à son entreprise, compte tenu de ses spécificités propres. C’est lui aussi qui, connaissant les potentialités d’une bonne application de l’arsenal juridique, est le conseiller naturel du chef d’entreprise pour son utilisation optimale dans l’entreprise.

Mais ce juriste d’entreprise n’est pas un Pic de La Mirandole et il doit nécessairement, pour certains aspects plus techniques ou plus simplement pour conforter sa propre opinion, recourir à l’avocat. Il est donc important qu’avocats et juristes d’entreprise travaillent la main dans la main car leur rôle n’est pas concurrent mais complémentaire. En effet, dans nombre de cas, la présence d’un juriste d’entreprise qui, par définition, est sensible à la dimension juridique de tout acte ou abstention de l’entreprise, contribue à un recours plus fréquent à l’avocat pour compléter ou renforcer ses propres constatations et propositions.

En revanche, dans la petite entreprise, la situation peut se présenter différemment car le chef d’entreprise n’a le plus souvent pas d’interlocuteur juriste dans sa société. Il a dès lors tout naturellement tendance à se retourner vers l’avocat pour le guider dans le maquis des textes, pour le protéger contre les pièges d’un contrat ou pour mettre au point des mécanismes d’organisation et de gestion de l’entreprise dans le respect des exigences légales. C’est donc une fonction de guidance plus globale que l’avocat aura à assumer au niveau de ce type d’entreprise.

LA DIFFERENCIATION

Cette différenciation, on la perçoit aussi au niveau des compétences juridiques à réunir au sein d’un cabinet.

La grande entreprise préfère généralement choisir elle-même – à la suggestion le plus souvent de son conseiller juridique interne – son avocat en fonction de sa spécialité et du problème posé. Il n’est pas fréquent qu’une grande entreprise localise tout son contentieux et sa consultation juridique auprès d’un avocat, voire d’une association d’avocats. Même lorsqu’un problème présente plusieurs facettes relevant de disciplines juridiques différentes, la grande entreprise consulte le plus souvent pour chacune d’elles un spécialiste et ce, d’autant plus que dans un petit pays comme la Belgique, ces spécialistes sont largement connus.

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La grande entreprise a en effet les moyens d’assurer elle-même la coordination entre les divers spécialistes requis pour traiter un problème, de sorte qu’à ce niveau, les besoins d’un « produit fini » sont moins évidents. Ici, c’ est essentiellement le critère de la compétence qui est déterminant. En revanche, la petite entreprise qui n’a pas – faute de disposer d’un juriste interne – une même connaissance du monde du Barreau a souvent une préférence pour un « service global ». Elle souhaite disposer en un même endroit d’avocats pouvant traiter l’ensemble de ses problèmes juridiques quelle que soit la discipline dont ils relèvent. L’interlocuteur de l’avocat n’est d’ailleurs pas le même dans les deux situations.

Alors que pour les problèmes juridiques d’une PME, le chef d’entreprise est le plus souvent l’interlocuteur direct, c’est plus rarement le cas dans les grandes entreprises où le correspondant de l’avocat est le juriste d’entreprise voire d’autres cadres supérieurs du management.

Un sort quelque peu différent doit être réservé aux entreprises étrangères établies en Belgique.

Celles-ci ont fréquemment tendance à rechercher des conseillers juridiques dont elles ont pu éprouver la fiabilité dans leur pays d’origine.

D’où la multiplication des inscriptions d’avocats étrangers au tableau de l’Ordre des Avocats surtout du Barreau de Bruxelles.

Cependant, les grandes entreprises belges doivent également répondre aux contraintes d’une globalisation accrue de leurs activités. Ceci implique dans leur chef la connaissance non seulement du cadre juridique national mais encore celui des autres pays dans lesquels elles doivent opérer.