L’avocat et la procédure Qualité

Les avocats, émus par les bouleversements structurels de l’exercice de leur profession, se dépriment, s’agitent ou tentent de s’adapter.

Les dépressifs s’insurgent contre un sort injuste à leurs yeux, se calfeutrent en vain dans leur statut légal, promulguent au sein de leurs Ordres des règlements protectionnistes qui ne brident bien malencontreusement d’ailleurs que leurs confrères et non point la concurrence émergente et en fin de compte se momifient inexorablement.

Les agités s’excitent dans des actions publicitaires improvisées et inopérantes ou dans des associations sans projet véritable que le vent de l’épreuve disloque ou que des chants de sirènes décapitent.

Pour ceux qui veulent s’adapter, il n’y a, hélas, pas de panacée ; une seule certitude : le chemin est rude et quelle que soit la voie choisie, elle requiert analyses, méthodes, efforts et investissements financiers. Elle fait appel nécessairement à des techniques que l’avocat ne maîtrise pas et finissent par le soumettre à une assistance extérieure qu’il n’envisageait pas.

Que signifie en effet s’adapter aujourd’hui ? Un sage constatait que depuis qu’Adam et Eve avaient été chassés du Paradis, l’humanité était entrée dans une période transitoire. S’adapter c’est donc cultiver son aptitude au mouvement, à la mobilité et aux mutations. Cette démarche exige, en temps réel, et la connaissance de l’état des lieux de son cabinet, et la reconnaissance des besoins de la clientèle que le cabinet est ou pourrait être susceptible de satisfaire, et enfin, l’adoption d’une méthodologie systématisant les mesures à prendre en vue de la mise en concordance de l’état des lieux et de la satisfaction des besoins.

L’avocat, contrairement à son opinion, n’est pas outillé pour la réussite d’une telle démarche. Une trop longue habitude de prospérité à défaut d’opulence, de considération sociale, de sentiment d’appartenir à un pouvoir autocentré plus qu’à un service à autrui ne constituent pas des facteurs propices à une remise en question et le titre de « maître » dont il reste affublé est peu conciliable avec la notion du « client-roi ». Enfin, les Facultés de Droit sont jusqu’à présent totalement étrangères aux techniques entrepreneuriales qu’elles ignorent quand elles ne les méprisent pas et les Ordres des Avocats ont l’œil plus rivé sur le rétroviseur que sur la route à suivre.

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Avocat: s’adapter et se scruter

La première étape que doit franchir l’avocat désireux de s’adapter est de scruter sa profession avec l’œil du profane ; le maître déchante vite ; alors qu’il se croyait détenteur d’un sacerdoce apprécié unissant la qualité à la considération dont il consent à faire bénéficier sa clientèle, il s’aperçoit que son image de marque évoque litige, chicane, coût et absence de valeur ajoutée, opacité, pratiques vieillottes, tarification fantaisiste et souvent triste ajout à d’inévitables ennuis. Bref, dans la reconquête d’une crédibilité parfois injustement perdue, la mise en exergue de la référence à l’avocature est un handicap bien plus qu’un atout.

A défaut d’une réputation personnelle exceptionnelle ou d’une clientèle captive (pour combien de temps ?), l’avocat est donc contraint de rechercher une référence à des repères plus favorables dans l’esprit du public.

Au fil de son enquête, notre avocat s’apercevra que la clientèle qu’il convoite demande un service complexe, qu’en isolé, il n’est plus à même de prester en raison de l’explosion des réglementations. Un analyste juridique français relevait que ses concitoyens ploient sous 8.100 textes législatifs, 110.000 décrets, 360.000 règlements, 106 types d’impôts différents auxquels s’ajoutent quelque 20.000 règlements européens ; ce qui pouvait constituer une manne céleste pour le juriste se transforme en une inondation cauchemardesque dans laquelle il se noie s’il reste seul dans son esquif.

A l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » succède « aucun avocat n’est censé la connaître en entier » et voilà que confronté à cette abondance, notre individualiste patenté envisage l’association qui le contraindra au partage des frais, des locaux, du secrétariat, des clients et même des honoraires avec des confrères aussi individualistes ; cette nouvelle étape lui impose l’adoption de méthodes communes de gestion assurant la communicabilité de dossiers et la comparabilité des prestations que rend seule possible une standardisation à laquelle il était bien étranger.

Les contraintes qu’il connaissait dans sa gestion isolée, en changeant de taille, changent de nature ; notre avocat va ainsi découvrir la comptabilisation de son temps, l’imputation raisonnée de ses frais, la budgétisation de ses charges, la gestion d’une trésorerie parfois capricieuse qui ne peut que difficilement faire appel au soutien bancaire, la formation continue planifiée et enfin, puisqu’il faut l’appeler par son nom, le marketing indispensable à son entreprise.

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Mais, sa traversée du désert n’en est qu’à son prologue car s’il suffisait de s’informer et de comprendre, d’acheter, de déclarer voire encore de décider pour s’adapter … Tous ces préalables sont indispensables mais ne sont que des préalables.

Préalables indispensables car sans une conviction profondément ancrée, sans une volonté fermement accrochée, sans un don d’entraînement et de persuasion dans le chef du ou des leaders d’un cabinet, le poids des habitudes et les charges du quotidien paralyseraient rapidement ce qui ne serait que velléités d’adaptation partagées du bout des lèvres.

Les efforts de persuasion et d’autopersuasion doivent tout autant porter sur la prise de conscience que sur la méthode d’agiornamento. Quant à cette méthode, point de panacée mais quelques impératifs ; la méthode à retenir doit répondre à cinq conditions essentielles : avoir été expérimentée ; être adéquate pour l’avocature ; d’application contrôlée par un examinateur externe ; d’inapplication sanctionnée par un certificateur agréé ; enfin, déjà largement diffusée et connue. Justifions.

L’avocat n’a ni la vocation ni les aptitudes d’un explorateur de gestion et la vie d’un cabinet répugne à des expériences qui concernent son fonctionnement essentiel ; celui qui a adopté un logiciel de gestion novateur, donc insuffisant, en est bien conscient. Laissons donc à d’autres la joie des découvertes et limitons-nous à des méthodes déjà en application, dans des cabinets, si possible semblables aux nôtres.

La méthode doit aussi être adéquate à notre profession et là, prenons garde : le domaine du perfectionnement des services abonde en verbalisme creux ou en perfectionnisme asphyxiant : chaque exigence de la méthode doit être démontrée tout comme chaque dysfonctionnement du cabinet doit pouvoir être prévenu si possible, relevé à temps on l’espère, et corrigé en tout cas pour l’avenir ; la méthode retenue sera donc raisonnable dans son principe, adaptable dans son application mais rigoureuse et sans faille.

La nécessité d’un contrôle externe ne peut être raisonnablement contestée, encore que l’application intégrale de logiciels de gestion performants puisse constituer une aise sinon certains substituts à ce contrôle ; celui-ci s’exerce par un audit préalable puis, lors de la mise en application de la méthode, par une assistance extérieure ; la méthode étant en ordre de marche, ce contrôle se voit consacré par une équipe différente, indépendante de la première, habilitée en cas d’affaiblissement dûment constaté à retirer la certification.

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Enfin, l’opération vise (surtout ?) à améliorer nos moyens d’existence. Il s’impose donc que sa reconnaissance finalement obtenue s’effectue avec notoriété grâce à un label le plus largement apprécié, justifiant un à priori de confiance entraînant une extension et une valorisation des services prestés par le cabinet.

Mille procédures de réorganisation peuvent provoquer cette amélioration et cette valorisation quantitatives ou qualitatives des prestations mais à notre connaissance, la méthode ISO 9000 est aujourd’hui la plus susceptible d’aider à l’obtention de ce résultat de façon suffisamment complète et cohérente, ce qui a amené les Chambres de Commerce de Wallonie mais aussi l’Ordre National Français des Avocats à la préconiser à leurs membres.

La norme ISO se veut centrée sur le client par une mobilisation générale de l’entreprise en vue de la qualité des biens ou services à lui offrir ; elle aide donc l’avocat à définir puis à mettre au point et à appliquer les procédures qui permettront de rencontrer le niveau d’exigences de son client, à contrôler l’exécution de la mission ainsi définie et enfin à la justifier en permanence.

La norme 9000 connaît deux références fondamentales de processus de gestion ; la 9001 plus exigente s’applique à des entreprises de conception et de création ; la 9002 concerne des entreprises d’exécution et de production.

Sans vouloir diminuer la haute valeur d’originalité de nos prestations, nous pensons que la norme 9002 est plus adaptée à la majorité de nos cabinets pour des raisons de simplicité et parce que c’est dans l’exécution que nos faiblesses se manifestent particulièrement. Les certifications obtenues à ce jour par des entreprises visent à concurrence de plus ou moins 80 % la norme 9002 contre 20 % pour la 9001.

Le norme 9002 qui date de 1994 sera revue en 2000 mais les adaptations requises sont dans la logique de progrès et ne créeront pas de difficultés majeures pour les démarches entreprises sous la norme-version actuelle. Les modifications porteront en premier lieu sur l’amélioration de la lisibilité par le recours à une terminologie plus conforme à celle habituelle utilisée dans l’industrie ou les services.