La clause résolutoire dans les baux : un couperet juridique à manier avec précaution

La clause résolutoire, véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus des locataires, peut entraîner la résiliation automatique du bail en cas de manquement. Mais attention, sa mise en œuvre est soumise à des règles strictes que les bailleurs doivent impérativement respecter. Décryptage des modalités légales entourant cette disposition redoutable.

Les conditions de validité de la clause résolutoire

Pour être valable, la clause résolutoire doit être expressément stipulée dans le contrat de bail. Elle ne peut viser que certains manquements graves du locataire, tels que le non-paiement du loyer ou des charges, le défaut d’assurance ou encore le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des lieux loués. La Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de ces conditions, sanctionnant toute clause trop générale ou imprécise.

La rédaction de la clause doit être claire et non équivoque. Elle doit mentionner précisément les obligations dont la violation entraînera la résiliation du bail, ainsi que le délai laissé au locataire pour y remédier. Une formulation ambiguë pourrait être interprétée en faveur du locataire, conformément à l’article 1190 du Code civil.

La procédure de mise en œuvre : un parcours semé d’embûches

La mise en œuvre de la clause résolutoire obéit à un formalisme strict, défini par la loi du 6 juillet 1989. Le bailleur doit d’abord adresser au locataire un commandement de payer par acte d’huissier. Ce document doit mentionner, à peine de nullité, le délai d’un mois laissé au locataire pour régulariser sa situation, ainsi que les termes de l’article 24 de la loi de 1989 relatifs aux aides au logement.

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Si le locataire ne s’exécute pas dans le délai imparti, le bailleur peut alors assigner son locataire en justice pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire. Attention toutefois : le juge dispose d’un pouvoir souverain pour accorder des délais de paiement au locataire, pouvant aller jusqu’à 3 ans, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire.

Les pièges à éviter pour le bailleur

Le bailleur doit faire preuve d’une grande vigilance dans la mise en œuvre de la clause résolutoire. Toute erreur de procédure ou tout manquement aux obligations légales peut entraîner la nullité de la clause ou de la procédure engagée.

Ainsi, le bailleur ne peut se prévaloir de la clause résolutoire s’il a accepté des paiements partiels après l’expiration du délai d’un mois suivant le commandement. La jurisprudence considère en effet que cette acceptation vaut renonciation tacite à se prévaloir de la clause.

De même, le bailleur doit veiller à respecter scrupuleusement ses propres obligations, notamment en matière de délivrance d’un logement décent. La Cour de cassation a en effet jugé que le locataire pouvait invoquer l’exception d’inexécution pour s’opposer à la mise en œuvre de la clause résolutoire si le bailleur ne respectait pas ses obligations.

Les recours du locataire face à la clause résolutoire

Le locataire n’est pas totalement démuni face à la menace de la clause résolutoire. Outre la possibilité de solliciter des délais de paiement auprès du juge, il peut invoquer la nullité de la clause ou de la procédure si les conditions légales n’ont pas été respectées.

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Le locataire peut également saisir la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) dès la délivrance du commandement de payer. Cette commission peut proposer des solutions pour éviter l’expulsion, telles que la mise en place d’un plan d’apurement de la dette ou l’orientation vers des dispositifs d’aide au logement.

Enfin, le locataire peut contester la validité de la dette locative invoquée par le bailleur, notamment en cas de charges locatives non justifiées ou de travaux abusifs mis à sa charge.

L’impact de la crise sanitaire sur la mise en œuvre de la clause résolutoire

La pandémie de Covid-19 a eu des répercussions importantes sur l’application de la clause résolutoire. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour protéger les locataires en difficulté, avec notamment la prolongation de la trêve hivernale et la suspension des procédures d’expulsion.

Ces dispositions ont conduit les tribunaux à faire preuve d’une plus grande clémence envers les locataires, accordant plus facilement des délais de paiement et examinant avec une attention accrue la situation économique et sociale des locataires avant de prononcer la résiliation du bail.

Cette tendance pourrait perdurer au-delà de la crise sanitaire, les juges étant de plus en plus sensibles aux conséquences sociales des expulsions locatives.

Vers une évolution de la législation ?

Face aux critiques récurrentes sur la dureté de la clause résolutoire, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme de la législation. Certains proposent d’instaurer une période de grâce obligatoire avant toute mise en œuvre de la clause, permettant au locataire de régulariser sa situation sans risque d’expulsion immédiate.

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D’autres suggèrent de renforcer le rôle des commissions de surendettement dans la prévention des expulsions, en leur donnant le pouvoir de suspendre les effets de la clause résolutoire le temps de l’examen du dossier du locataire.

Ces propositions visent à trouver un meilleur équilibre entre la protection des droits du bailleur et la prévention des expulsions, dans un contexte de crise du logement persistante.

La clause résolutoire demeure un outil juridique puissant mais délicat à manier pour les bailleurs. Sa mise en œuvre requiert une connaissance approfondie des règles légales et une grande rigueur procédurale. Face à la complexité croissante de la législation et à l’évolution de la jurisprudence, le recours à un professionnel du droit s’avère souvent indispensable pour sécuriser la démarche et éviter les écueils.