Selon une opinion répandue, le barreau belge serait en crise. C’est le même diagnostic en France. Nous savons aujourd’hui que le phénomène de la mondialisation est reconnu comme la cause d’un changement économique fondamental au sein du monde occidental. Pour étudier les conséquences de ce fait nouveau, il n’est pas sans intérêt d’évoquer le passé récent de l’Europe. Il ne s’agit que de remonter à 1945, c’est-à-dire de se replacer à cinquante ans d’aujourd’hui. A ce moment, l’Europe se trouve sous le coup de deux guerres mondiales particulièrement meurtrières. Elle sortira du marasme grâce à l’aide qui lui est procurée par les Etats-Unis. Le grand pays allié lui verse quelque 13 milliards de dollars entre 1948 et 1952. Le résultat de cette politique est proprement miraculeux. A l’heure actuelle, l’Union Européenne regroupe en nombre 370.000.000 d’habitants, et produit 30 % de la richesse mondiale. Elle réalise ainsi à elle seule, un tiers du commerce mondial . Jusqu’en 1975, le rythme de croissance de l’Europe a été de 4,5 % par an. Malgré les effets défavorables des chocs pétroliers des années 70, la croissance n’a jamais cessé d’exister. Depuis 1998, elle a repris son cours et des emplois nouveaux ont été créés. Mais la mondialisation a fait aussi exploser le marché du droit et ces premières explosions ne sont vraisemblablement pas les dernières.
Après cet avant-propos économique, il convient d’aborder l’aspect juridique des problèmes. C’est pour éviter le retour de la guerre, – but qui a été effectivement atteint, – que le Traité de Rome créant la Communauté économique européenne voit le jour en 1959. Auparavant, le 26 juin 1945, la Charte des Nations Unies avait été signée à San Francisco et approuvée par la loi belge du 14 décembre 1945. Elle s’est concrétisée par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 10 décembre 1948 (Résolution 217 A III). Ces instruments internationaux ont été suivis de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le Traité de Rome de 1959 et la Convention européenne des droits de l’Homme
Le Traité de Rome de 1959 et la Convention européenne des droits de l’Homme rapprochée des conventions internationales ci-avant citées, constituent, pour la première, par sa philosophie, et les autres instruments par leur convergence, une sorte de droit commun aux Etats-Unis et à l’Europe. C’est la bible juridique de l’Occident tout entier. La philosophie de la liberté économique et la philosophie de la défense des Droits de l’Homme constituent un tout indissoluble dont les juristes se doivent d’assurer le respect . C’est dans cet esprit que le présent rapport a été conçu. Monsieur MARLIERE écrit, à bon droit, que la profession d’avocat concerne l’ordre public. C’est une autre manière d’exprimer la même idée. La contrainte du respect de l’ordre public oblige au respect des principes généraux dont l’application est indispensable au bon fonctionnement de la justice.
Les hommes du chiffre, qu’ils soient réviseurs d’entreprises ou experts comptables savent, par définition, compter. A l’heure actuelle, en fonction des événements, ils ont incontestablement augmenté leurs chiffres d’affaires. Les avocats américains connaissent, eux aussi, un regain de prospérité. Ils sont proportionnellement plus nombreux que les avocats européens et surtout, ils continuent de représenter l’élite de la nation sur le plan du standing général. Pourquoi les avocats belges en particulier et peut-être les avocats européens en général ne peuvent-ils faire état d’un même bilan ? Je crains qu’il ne faille répondre que, malgré le soin habituel qu’ils prennent de discuter entre eux d’une profession à laquelle ils sont passionnément attachés, ils n’ont pas recherché et découvert les moyens efficaces pour sortir de la crise. La majorité de nos confrères continue de s’occuper essentiellement comme par le passé, de questions de droit civil, de droit commercial, de droit pénal, de droit fiscal. Combien sont au courant des nouvelles branches du droit ? Elles ont été estimées au nombre de vingt . Mais d’autres activités à repérer s’ouvrent aux avocats comme par exemple celle du lobbying. Cette nouvelle tâche est riche de perspectives. Sait-on que l’Union européenne est très intéressée par cette source de renseignements ? Elle a établi dans ce domaine son code de déontologie – ce qui démontre que cette activité, qui avait jusqu’ici des raisons, d’être souvent contestée peut être exercée désormais sans craindre de perdre son âme !
Définir, en quelques pages, quel doit être le rôle de l’avocat au XXIème siècle est évidemment impossible. J’ai retenu trois thèmes qui me paraissent appeler une prise de position immédiate. Je me suis efforcé de les traiter dans un esprit résolument tourné vers l’avenir. Ces thèmes sont destinés à répondre aux trois questions suivantes :
– Les barreaux de l’Europe continentale restent-ils liés par des règles périmées tandis que les barreaux anglo-saxons s’en sont affranchis et ont cessé de verser dans le fétichisme de la loi.
– L’économie prime-t-elle le droit ?
– Les avocats jouissent-ils actuellement d’un quasi monopole excessif ? D’autres professions, voire d’autres personnes, même dépourvues de toute qualification juridique, devraient-elles pouvoir comparaître et plaider en justice ou donner des consultations juridiques ?