Les méthodes alternatives de résolution des litiges

Au début du 20ème siècle, l’avocat était quasi exclusivement un homme de palais. Outre le développement considérable de son rôle en tant que consultant, le dernier quart du 20ème siècle a vu croître progressivement et de manière substantielle le recours à l’arbitrage comme mode de résolution des litiges. La dernière décennie s’est caractérisée quant à elle par une sensibilisation de plus en plus grande des juristes aux autres méthodes de résolution des litiges. Le rôle de ces méthodes va croissant et il semble même que l’on assiste parallèlement à une diminution de l’encours de certains tribunaux, en particulier les tribunaux de commerce. Je voudrais, dans ce chapitre, après avoir apporté quelques précisions d’ordre terminologique, tenter de déterminer avec réalisme quel est le rôle que l’on peut espérer voir jouer au début de ce 21ème siècle, aux méthodes alternatives de résolution des litiges. L’on ne peut bien entendu le faire sans les situer dans un cadre comparatif et essayer de comprendre les raisons qui expliquent leur plus ou moins grand succès dans les divers systèmes juridiques. C’est en analysant ces raisons que l’on apercevra mieux le rôle que peuvent jouer dans ce domaine les avocats et les pouvoirs publics.

UN PEU DE TERMINOLOGIE

Le terme “méthodes alternatives de résolution des litiges” nous vient des Etats-Unis où l’on parle depuis plusieurs décennies des “Alternative Dispute Resolution Techniques” (en abrégé “ADR”). A strictement parler, le terme ne recouvre pas l’arbitrage volontaire et obligatoire (“binding arbitration”). Le seul arbitrage qui fasse partie des “ADR methods” est l’arbitrage non-obligatoire, dans lequel la décision de l’arbitre ne lie pas les parties. Ainsi, la Chambre de Commerce Internationale définit l’ADR comme “l’ensemble des moyens permettant de prévenir ou de régler les différends ou désaccords commerciaux, en ayant recours à un tiers, sans passer par les tribunaux étatiques ou l’arbitrage”. Pour les besoins du présent chapitre, nous préférons adopter une conception plus large et entendre par “méthodes alternatives” toutes les méthodes de résolution des litiges autres que le recours aux tribunaux de l’ordre judiciaire.

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L’arbitrage ne nécessite guère d’introduction. Il est généralement bien connu du public : il s’agit d’une méthode privée de résolution des litiges aux termes de laquelle les parties confient volontairement la résolution définitive de leurs différends à des arbitres privés, qui sont le plus souvent des membres du barreau, ou à tout le moins des juristes spécialisés en ce domaine du droit, mais parfois aussi des ingénieurs, surtout en Angleterre.

Les autres méthodes alternatives de résolution des litiges sont très nombreuses, nos amis américains qui en sont les principaux initiateurs étant en effet doués d’une imagination illimitée en ce domaine. J’en énoncerai ci-après un certain nombre, à titre exemplatif, tout en précisant que, quelle que soit leur dénomination spécifique, beaucoup d’entre elles sont simplement une variation du modèle de la médiation et que c’est donc à cette institution générique que je consacrerai mes réflexions et mon analyse prospective. D’une manière générale, toutes les méthodes ADR sont censées se caractériser par une plus grande flexibilité et rapidité et en principe un moindre coût, encore que ce dernier élément soit très relatif.

La médiation, à proprement parler, est une méthode dans laquelle un tiers (le médiateur) aide les deux parties à arriver à un accord qu’elles considèrent mutuellement comme acceptable. Lorsque celui-ci est atteint, il est généralement consigné par écrit et une fois signé, il constitue un contrat juridiquement obligatoire.

En matière de méthodes alternatives de résolution des litiges, l’on parle rarement de conciliation. La frontière entre la conciliation et la médiation est d’ailleurs floue. Elle se situerait dans le rôle plus interventionniste du conciliateur dans la recherche et la suggestion aux parties d’une solution acceptable. Si telle est la définition du conciliateur, l’on ne peut que constater que dans de nombreuses formes de médiation, le médiateur est un conciliateur. Je préfère donc abandonner la seconde notion au profit de la première.

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Au-delà de la médiation, l’on cite généralement comme autres méthodes alternatives :
· la détermination par voie d’expert ( “expert determination”) : un tiers indépendant, expert dans la matière (technique) litigieuse, est choisi pour trancher le litige. Sa décision lie les parties.
· l’évaluation neutre (“early neutral evaluation”) : un évaluateur neutre, professionnel du droit ou de la technique, se fait exposer par les parties leurs points de vue respectifs sur le litige et rend un avis, non-obligatoire, sur le fond. Cet avis va servir de base à de nouvelles négociations ou à une tentative de résolution à l’amiable.
· Med-arb : il s’agit d’un mélange de médiation et d’arbitrage où les parties décident d’avoir recours à la médiation mais précisent que si elle échoue, le litige sera tranché par voie d’arbitrage. L’originalité du procédé réside dans le fait que c’est la même personne qui intervient comme médiateur et, en un second temps, comme arbitre. Précisons d’emblée que si cette méthode se pratique dans certains systèmes juridiques, son utilisation paraît peu probable en Belgique, tant pour des raisons de tradition que de légalité.
· Le mini-trial : une concertation devant aboutir à un accord amiable est menée par un médiateur auquel sont associés, au sein du comité de mini-trial, des représentants de haut niveau des parties. Le médiateur dispose des pouvoirs les plus larges pour tenter d’aboutir à un accord entre les parties. A cette fin, et après avoir entendu les parties, il se concerte avec ses assesseurs soit collectivement, soit le cas échéant séparément .
Il existe encore de très nombreuses autres variations de la médiation : “co-mediation”, “concilio-arbitration”, “facilitation”, “mediator directed negotiations”, “private judging”, etc.

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Une tentative de structuration de ces multiples méthodes a été réalisée par la Commission française de l’arbitrage international du Comité Français de la CCI. Elle distingue :

– la médiation proprement dite ou médiation simple,
– la médiation contractuellement préconstituée (constitution d’un panel et organisation du processus et de la portée de la médiation, dans le contrat),
– la médiation en forme de procès simulé (mini-trial),
– la médiation directe par les représentants de la direction générale de chacune des parties (“Senior Executive Appraisal”, soit une sorte de mini-trial sans président-médiateur),
– la consultation conjointe d’un jurisconsulte ou d’un expert indépendant (“Early Trial Evaluation”) : c’est aussi le recours aux “Schiedsgutachten” en Suisse et au “Bindend Advies” en Hollande,
– la médiation-arbitrage,
– l’arbitrage limité par l’arbitre aux offres respectivement faites par les parties (Baseball ou Final Offer Arbitration),
– la médiation et l’arbitrage entre offres respectives des parties (Mediation and Last Offer Arbitration).